I'm your brother - spring & summer

 

Yeong Su y avait mûrement réfléchi. Cela faisait deux ans qu’il savait la vérité, qu’il connaissait ses origines, deux ans que la même question tournait en boucle dès qu’il fermait les yeux pour s’endormir.Est-ce que je vais lui dire ? Quand est-ce que je vais lui dire ? Comment je vais lui dire ?. Aussitôt, ces questions étaient suivies d’inquiétudes. Comment allait-elle réagir ? Sans doute mal, pensait-il, parce que le Yeong Su de l’époque était certain que personne ne pouvait se réjouir d’avoir quelqu’un comme lui en grand-frère. Il avait passé beaucoup de temps à se poser les mêmes questions, tellement qu’il s’était inventé au moins une centaine de scénarios parmi lesquels la plus grande majorité se terminait mal. Pour lui, qui savait qu’il avait été adopté depuis qu’il était petit, c’était évident qu’il avait des membres de famille qu’il ne connaissait pas. Mais pour Haru, à qui il allait annoncer la nouvelle, ça ne l’était pas. Il ne faisait aucun doute que sa famille ne lui avait pas dit qu’elle devait avoir un grand-frère, qu’ils avaient vendu son grand-frère suite à du chantage. Ce n’était pas non plus le genre de scénario qu’on imaginait de temps en temps, de la même façon qu’on se disait parfois et si tout ça n’était qu’un rêve et que je me réveillais beaucoup plus jeune ? .

Pourtant, Yeong Su savait que la vérité ne pouvait pas être éternellement cachée. Alors il avait fait le premier pas, il avait emménagé dans la pension où Haru venait de s’installer. Il pensait qu’être à son contact souvent faciliterait la tâche, pourtant c’était loin d’être le cas. Il avait l’impression d’être faux, d’être un gros menteur. Il agissait avec elle comme s’il était un parfait inconnu – et même s’il était à moitié un inconnu, il savait quelque chose de gros qu’elle ignorait. Ça le rendait mal-à-l’aise, encore plus effacé qu’il ne l’avait jamais été. Ça l’avait fait hésité encore plus. Si elle le prenait mal, l’ambiance de la pension deviendrait effrayante. Il avait donc retardé le jour de l’annonce, petit à petit.

Mais ça ne pouvait plus durer. Il fallait qu’il le dise, il fallait qu’elle sache la vérité. Il ne pouvait pas éternellement fuir ses responsabilités, il n’avait pas engagé un détective privé pour ne jamais aller vers sa famille non plus. Alors il s’était forcé, et après avoir lancé à Haru la phrase on peut se parler en privé ?, il savait qu’il ne pouvait plus fuir. Il avait beaucoup hésité sur le lieu où il pouvait l’emmener. Dans une de leur chambre ? Si elle se mettait à crier ou à pleurer, les autres risquaient d’entendre. Dans un café ou dans un restaurant ? Ça donnait la sensation qu’il l’obligeait à rester en sa présence jusqu’à la fin du repas ou de la boisson. Après y avoir réfléchi, il s’était dit que le plus simple restait de simplement l’emmener dehors, dans un parc où il n’y avait pas trop de monde.

C’est comme ça qu’il s’était retrouvé face à elle, défiant le regard curieux de cette jeune femme qui se disait, sans aucun doute, qu’ils n’étaient pas assez proches pour aller se parler en privé, dehors. Il aurait été elle, peut-être ne l’aurait-il même pas suivi – qu’est-ce qui l’avait poussé à le suivre ? Peut-être la curiosité.

Yeong Su eut une grande respiration et déglutit, mais ne trouva pas le courage de parler. La situation se reproduit une deuxième, puis une troisième fois, et face au blanc qui s’approfondissait et au regard de Haru qui s’assombrissait, il se sentit obligé de parler. « Ça fait un moment que j’hésite à le dire et je sais que tu n’as pas de raison de me croire sur parole… » Sa main renferma l’enveloppe qui contenait le compte-rendu du détective. « Ça fait beaucoup de temps que je garde ça pour moi et je pense qu’il vaut mieux y aller directement. Je ne me sens pas capable de tourner autour du pot. » C’était pourtant ce qu’il faisait, en cherchant ses mots pour annoncer la nouvelle. Pour la première fois, il regarda Haru droit dans les yeux, humidifia ses lèvres, mais la phrase je suis ton frère ne sortit pas. « Je suis le fils adoptif d’un politique. Mais je suis un fils adopté. Je le sais depuis mon enfance mais personne ne m’a jamais dit mes origines. Alors à l’âge de ma majorité, j’ai embauché quelqu’un pour trouver ma famille biologique et mes origines. L’enquête m’a appris plusieurs choses, dont… » Il marqua une légère pause. « Le fait que mon nom de naissance soit Natsu. » C’était un indice. Un sous-entendu. Natsu. Haru. Été et printemps. « Moon Natsu », compléta t-il. Au cas où.