Lions + Sully | 12/95

 

Après s’être confondu en excuse, le jeune professeur s’était immédiatement adressé à Rosa. La petite fille rayonnait et elle était si adorable qu’il était difficile de ne pas craquer pour la prendre dans ses bras. Sully remonte son regard vers le jeune homme qui d’ailleurs se montre jaloux et demande à son tour comment il était. Le professeur, surpris bug un instant et lui sourit en passant une main contre sa nuque, observant ce regard doux, mais ferme. Assez taquin et cette carrure imposante et pourtant dégageant d’une grâce peu commune. Il adorait les anglais, seulement pour le fait d’en connaître un particulier… « Très… bien aussi, vraiment très bien » dit-il, assez peu assuré, pourtant déterminé. Sully ne pouvait pas reculer, il n’en avait de toute façon pas envie et se précipita d’ailleurs pour expliquer la situation à son ainé. Compréhensif, il se laisse néanmoins prendre et sourit, fossette apparente. « Je parlais pour vous deux Ardyn, même si j’avoue que cela m’arrangeait un peu. Promis, je fais des efforts » et c’était immédiat.

Quelque chose lui disait que Rosa n’était pas la seule à vouloir le voir et il en était flatté, agréablement surpris de sentir dans le creux de son estomac des papillons et quelques frissons, mettant cela sur le coup de l’émotion, mais officiellement sur le petit air frais malgré les beaux jours qui pointaient le bout de leur nez. Il sourit, acquiesce et suit les deux jeunes gens au travers de cette foule venue nombreuse en cette journée pour admirer les bêtes derrières les vitres. Etrangement, Sully se disait qu’il était préférable pour certains d’être captifs qu’en voie d’extinction et pillé de leurs peaux ou de leurs crocs. Le braconnage était condamnable selon l’enseignant. Il n’en dirait rien, se réjouissant malgré le fait de ne pas voir réellement ces animaux libres, ils étaient protégés.

« Qu’allons-nous voir en premier ? » dit-il, en allant chercher non loin au guichet des guides du parc zoologique. Il valait mieux établir un parcours, néanmoins, y aller à l’aveuglette n’était pas non plus une mauvaise idée, du moment que la jeune demoiselle voyait ce qui l’intéressait. « Quelqu’un a des préférences ? »

L’été ne tarderait pas à arriver, mais pour l’instant, le froid mordait encore si l’on ne se couvrait pas. Malgré tout, la jolie Rosa portait une adorable robe qui la mettait en valeur, sans doute choisit par ses soins, conseillés par son père. Sully ne tarda pas à la complimenter et remarquer par ailleurs qu’elle avait mis son parfum. Il avait souri avant de signer pour lui montrer qu’il apprenait, à son rythme, mais qu’il ferait cet effort pour elle et pour tous ceux qui seraient dans ce cas.

Quand le professeur eu finit de s’attarder sur la demoiselle, il eut tout le loisir de complimenter son père qui était évidemment parfaitement apprêté en plus d’être totalement à son goût. Il avait essayé de ne pas siller, ce qui était malgré tout difficile, complimentant le bel homme qu’était Ardyn non sans répéter. Sa gêne l’avait poussé au vouvoiement, le faisant d’autant plus bafouiller quand il dut se corriger et s’excusa également pour le quiproquo. « Oh, ce n’est rien, excuse-moi je… hm, ce n’est pas tant que tu es impressionnant c’est… justement quand j’ai un certain respect que je… enfin, peu importe, bien sûr que je te considère comme mon ami » et plus si affinité, il aurait voulu le lui dire que cet embarras palpable était dû à son attrait tout particulier pour lui, mais il préféra se taire, le silence répondant à sa place sans le moindre mal d’ailleurs.

Tout en marchant tous les trois, Rosa s’empresse d’entrer, s’agitant tandis que son père explique que les singes sont ses animaux préférés. Il acquiesce et lui sourit. « C’est très mignon. Les singes sont souvent représentés comme une forme de sagesse ou de malice, bon choix » certains enfants auraient dit le lion pour sa puissance, le panda pour sa bouille de peluche, mais non, Rosa faisait un choix particulier qu’elle ne pouvait peut-être pas expliquer, néanmoins il restait intelligent et Sully garda l’information précieusement en tête.

« Bien, dans ce cas allons y » conseilla le professeur en accompagnant Ardyn et Rosa pour une visite débutant par les pingouins. Ces petits animaux étaient amusant, mais Sully bien qu’amusé guettait toujours la réaction de ses deux amis, plus d’Ardyn d’ailleurs. Il enviait parfois cette relation si complice avec l’enfant, se disant qu’il aurait bien voulu en avoir lui aussi, mais qu’il n’en aurait certainement pas l’occasion avant un bout de temps. Pourtant, cela le rassura aussi étant donné son attirance pour le père de famille. Il se disait que peut-être, ne pas avoir d’enfant n’était pas une si mauvaise chose, même si c’était terrible.

« Est-ce la première fois que vous venez ? Je dois avouer que pour moi oui » et l’idée d’animaux en cages n’était pas séduisante, néanmoins préserver des espèces oui. Il se masse la nuque, observant le spectacle, se penchant légèrement et devant par ailleurs se serrer à son homologue pour ne pas être écrasé par la foule. Façon également de pouvoir protéger Rosa entre eux afin qu’elle ne souffre pas de cette proximité avec d’autres.

Ardyn avait ce dont très précieux de le rendre si nerveux qu’il en perdait ses mots comme jamais devant sa classe ça ne lui était arrivé. Son cœur battait si vite que le professeur du se faire violence pour garder le silence et forcer son corps à calmer son émoi. Il mordille très légèrement sa lèvre, pince plutôt ces dernières un trait fin. Ces mots résonnent. Pour le moment. Pour le moment quoi donc ? Il déglutit, se disant que boire quelque chose l’aiderait à faire passer l’envie irrépressible d’être plus proche d’Ardyn en cet instant. Il se concentre sur Rosa qui apparemment adore les singes et lui sourit en indiquant que c’était un très bon choix. Il ne doutait pas de son intérêt pour les animaux intelligent plus que ceux mignons étant donné son éducation. La demoiselle se fait chatouiller par son père sous le regard du professeur amusé et aux anges de voir ces ceux-là sourire. Il n’avait jamais posé de question sur la mère de l’enfant et ne le ferait pas, ayant décidé que ça n’était ni ses affaires, ni judicieux de raviver des souvenirs douloureux surement.

Les pingouins sont visiblement enclins à faire le show, même s’ils ne font rien d’exceptionnels, à moins que des dresseurs interviennent. C’est ce qui se produira sans doute au vu du seau de poissons qui avait été préparé sans être donné. Il tourne la tête vers Ardyn, acquiesçant. « Oui, c’est très agréable surtout en si bonne compagnie » osa-t-il, avide de pouvoir se venger un peu pour sa gêne passée. Il était toujours nerveux, mais tout de même assez détendu pour poursuivre la conversation. Il ne pouvait par ailleurs qu’approuver les choix d’Ardyn. « Tu as privilégié Rosa, c’est tout à ton honneur, mais… la prochaine fois… je serais ravi que nous allions visiter un musée ensemble » il était lui-même surpris, à plusieurs reprise son intellect et son cœur se battaient en duel pour le faire taire ou le pousser à cette proposition téméraire. En fin de compte, c’est angoissé qu’il essaie de cacher son état, beaucoup trop nerveux pour qu’Ardyn ne le remarque pas et beaucoup trop pour que ça ne soit qu’une relation amicale entre eux, se disait-il. Sa pomme d’Adam se met à danser dans sa gorge tandis qu’il écoute de nouveau le plus vieux reprendre la parole, le détendant assez pour que ses muscles se décrispent. « Non, je ne sais pas, dis-moi ? » Son regard plongé dans le sien, il le dévore littéralement. Mais ce n’est pas tant cette beauté qui le perturbe, c’est toute cette connaissance qu’il possède, cette façon de jouer aussi bien avec lui qu’avec les mots. En littéraire et adepte de l’enrichissement de l’esprit, il ne peut trouver plus satisfaisant qu’un esprit ouvert. Il déglutit à nouveau, humecte ses lèvres, se disant que rompre le contact visuel était préférable, sans y parvenir cependant. Une main frôle la sienne dans une caresse qui le fait frissonner. Sur la barrière, par la force des choses, leurs mains s’étaient touchées, si proches… si délectable. Sully ne détourne pourtant pas le regard, ses yeux papillonnant deux, trois fois avant que le show ne soit annoncé, soulevant les voix d’une foule de spectateurs derrière eux.  

Sully avait toujours su garder son calme, du moins en apparence, mais quelque chose chez Ardyn provoquait de tels sursauts qu’il en frissonnait parfois. Le professeur se contente de laisser entendre à quel point il est content d’être ici et son homologue n’hésite pas à lui faire savoir qu’il n’emmène pas n’importe qui. Il s’en doute, acquiesce en fixant l’anglais. Il ne lui aurait sans doute pas permis de voir Rosa s’il n’avait pas un minimum confiance et la demoiselle semblant l’apprécier aussi, il n’avait eu aucun mal à se faire comprendre. De toute évidence, il appréciait les enfants et l’éducation de ces derniers pour ne pas donner cette impression d’être nocif. L’avait-il seulement été une fois ? Sully aimait croire qu’il faisait au mieux. Sa plus grande crainte était les reproches de ses cadets et possiblement de ses élèves. En parlant de cela, il approuve la visite pour la petite fille qui est en extase devant les pingouins et applaudit par ailleurs, faisant apparaître la fossette du brun qui se jette à l’eau. Il masse sa nuque et acquiesce, un rendez-vous… il ne l’avait pas vu comme ça en tout cas pas aujourd’hui, mais il avait raison, sa proposition en était bien un.

Il fallait bouger, Sully ne rechigne pas, se posant au prochain enclot en écoutant le savoir d’Ardyn au sujet des loutres et il en a le souffle court. Il serait mort sur place, consumé par cette envie de l’approcher. Sa main tendue sur le rebord métallique se voit caressée, frôlée à peine. Il la desserre doucement, prenant le temps et grand soin de choisir les mots qu’il allait employer en déglutissant au mieux, sa bouche légèrement entrouverte. Il a été pris de court et ça se voyait. Ardyn faisait souvent sursauter son pauvre petit cœur de littéraire, mais pas comme aujourd’hui. « C’est en effet très beau et je ne peux qu’approuver ce choix de vie, j’aimerai croire que l’être humain soit aussi de ce genre » dit-il, pour taquiner un tant soit peu son homologue, avant de reprendre en laissant son pouce et son index vagabonder pour plus de frictions. « Pour ma part, je n’ai pas encore trouvé celui ou celle qui partagera le restant de ma vie, du moins pas officiellement et vous ? » les dés étaient lancés, il n’en revenait pas d’être aussi direct, mais il l’avait toujours été, surtout avec autant de signes, du moins il l’espérait de tout son cœur, il ne pouvait que tenter sa chance et il n’avait pas hésité une seconde. La seule raison pour laquelle il avait mis du temps était ce choix précis de mots, ce choix pour exprimer sans l’ombre d’un doute qu’il avait besoin de lui, qu’il voulait officiellement de lui.

La tension était palpable pour quiconque prêtait un peu d’attention aux deux jeunes hommes. Fort heureusement, ils n’étaient pas l’attraction du jour, dans un zoo comme celui-ci, il était plus facile de passer inaperçu au profit des loutres et d’autres créatures en tout genre. Sully ne s’était pas rendu compte l’avoir vouvoyé une énième fois, alors qu’il n’était clairement plus question de cela entre eux. La réponse de l’expert se fit attendre ou du moins le professeur, suspendu à ses lèvres trouvait l’attente si longue. Son cœur battait si vite qu’il avait du mal à entendre ce qui pouvait bien se passer autour, concentré sur Ardyn. Il frissonne, puis éloigne sa main le temps que le jeune père réceptionne Rosa. Petite princesse adorable qui les avait sauvés sans le savoir de problèmes bien plus sérieux.

Le professeur acquiesce, se remettant de ses émotions, suivant la petite famille, choisissant un parfum simple, vanillé, doux pour faire passer cet instant délicieux. La demoiselle s’était empressée d’aller jouer en prenant soin de ne pas renverser sa glace, ce qui fit sourire Sully alors qu’il se retrouvait de nouveau seul avec Ardyn sans savoir quoi lui dire. Il ne manquait pourtant pas de conversations, mais il réfléchissait sans doute beaucoup trop à ce qui venait de se passer. Sans compter ses sentiments qui semait la pagaille aux quatre recoins de son esprit. « Rosa a l’air très heureuse d’être ici, la voir sourire est un plaisir et si je pouvais faire en sorte que chacun de mes élèves soit aussi heureux et insouciant, je me donnerais tout le mal nécessaire » et ce n’était pas seulement pour ses élèves qu’il disait cela, lui aussi voulait connaître ce bonheur, cette sensation beaucoup plus durable de la main qui s’était posée sur la sienne, de ce sourire qui n’était destiné qu’à lui.

Sully aimait bien parler de ses motivations à être professeur, il n’était pas sûr que ce soit l’avis de tous de vouloir changer le système, aussi efficace puisse-t-il être, mais il était de ceux qui ne pouvaient pas ignorer les gens comme son frère, qui ont besoin de rêve outre les études et il part du principe que 90% des gens sont dans ce cas. Lui n’aspire à rien en particulier si ce n’est transmettre des connaissances en comparaison d’autres qu’il encouragera toujours, quel que soit l’idée. Néanmoins, tous ne pourront pas parvenir à toucher du doigts leurs plus grands espoirs et il était également là pour leur rappeler de se donner les moyens, mais d’anticiper également en réfléchissant à d’autres choix. Il ne peut qu’approuver quand Ardyn confirme que tout ne passe pas par ce schéma éducatif. Il sourit, espérant sincèrement qu’il y en aura et ne peut que rire légèrement « Il y a bien une élève qui apprécie ma méthode et souhaite devenir professeur, je suis certain qu’elle y parviendra si son père le lui permet… » il grimace à cette idée, apparemment, professeur n’est pas un boulot digne de cette famille, ou qu’en savait-il ? Si sa fille aspirait à vouloir le devenir, il devrait être heureux qu’elle en possède les capacités, car ce n’était pas aussi facile que cela d’enseigner et de savoir se comporter.

Rosa intervint peu de temps après, sautant dans les bras de Sully qui la garde quelques minutes et écoute attentivement ce qu’elle avait à raconter en se concentrant sur ses gestes, certes rapide qu’il comprenait un peu, pour la plupart, zieutant parfois du côté d’Ardyn pour qu’il lui traduise des passages. Il refait d’ailleurs quelques signes, continue d’apprendre à son rythme et sur le tas avant que la petite famille ne décide d’aller voir les singes pour le plus grand bonheur de la petite fille. Sully voit la main qui lui est tendue et l’accepte bien volontiers, même si surpris, il se risquait à assumer, il n’en avait jamais eu peur. Tout ce qu’il craignait c’était qu’on lui retire ce droit d’enseigner sous seul prétexte qu’il était plus ouvert d’esprit que la majorité de ses semblables. Il ne devait pas y penser, vivre un peu pour lui, se faire plaisir, c’est un peu ce que lui avait montré Ardyn en étant si sûr de lui dans ses gestes et dans ses mots. Il ne doutait pas que ça n’était pas aisé pour lui non plus, au contraire, mais il admirait cette force de caractère. Sa main dans la sienne, il ne la lâchait plus, entremêlant ses doigts en mordillant sa lèvre, faisant parfois apparaître sa fossette tant il la malmenait, plus timide et maladroit qu’il n’y paraissait. Si Hae Yeon était là, il serait sans doute fier de le voir se confier, il le lui avait promis après tout. Mais le plus amusant était qu’il le verrait surement moins sûr de lui. Le sportif avait ce regard particulier lui rappelant ses cadets autant que ce statut qu’il avait aux yeux des étudiants. Il serait possiblement en train de le charrier pour la découverte de ce visage plus timide. Sully sourit, simplement, poursuivant leur balade jusqu’à l’enclos qui intéressait le plus Rosa.

Bien que Sully soit écouté chez lui et par ses élèves, il ne pouvait confier que très rarement le fond de sa penser et parler de ce qui le passionnait vraiment. Très peu de gens pouvaient comprendre cet engouement à la fois positif et négatif pour l’humain, son comportement et sa psychologie. Même Hae Yeon, aussi intelligent et vif qu’il soit n’était pas un passionné de philosophie, il était bien poli et voulait lui faire plaisir tout comme Sully cherchait à améliorer ses compétences physiques. La différence c’était que le jeune professeur, même s’il éprouvait des difficultés voyait très bien les bienfaits d’un sport au quotidien, ça ne nécessitait aucunement de débattre des heures durant. En somme il était perdant d’un certain côté, lui ne le voyait pas tout à fait comme ça, bien heureux d’avoir un ami sincère, ouvert d’esprit et qui l’aidait à grandir. L’étudiant lui apportait beaucoup sans même s’en rendre compte. Un sourire s’étira sur les lèvres de l’enseignant tandis qu’il racontait cette histoire, se disant qu’un jour Rosa pourrait finir dans sa classe ou dans l’une de son élève. Ardyn s’était mis à rire en devinant parfaitement le pourquoi du comment, déstabilisant l’intellectuel qui penche la tête, tout à fait surpris. « Je… oui, en effet, son père pense que professeur n’est pas un métier adapté à ses compétences. Je suis d’avis que c’est son choix et qu’il n’a pas à intervenir du moment qu’elle en fait un raisonnable et je sais que c’est le cas… » il mordille sa lèvre, faisant apparaître cette fossette coupable et caractéristique. « Je ne peux que comprendre, je n’ai pas eu cette chance et je fais confiance à mes cadets concernant leurs choix de vie… ce pourquoi j’encourage secrètement mon élève à poursuivre son rêve au détriment de ce père que je suis en train de me mettre à dos » son calme olympien ne suffisait pas à rassurer le père de famille, il ne pouvait que comprendre cette crainte, néanmoins, il devait lui aussi faire cet effort de voir les choses du point de vue de sa fille.

Sully masse sa nuque, Rosa s’empresse de monopoliser leur attention et les deux hommes se promènent alors pour rendre visites aux primates. La main d’Ardyn contre la sienne, leurs doigts emmêlés, Sully en avait des frissons. Il est plus qu’embarrassé, son cœur le trahissant si facilement qu’il n’entendait plus que lui et avait cette maudite impression que le reste du monde pouvait aussi l’entendre. Il ne l’aurait caché à personne si cela ne garantissait pas de leur créer des problèmes, à tous. Aussi bien lui qu’Ardyn et surtout Rosa. Il ne savait vraiment pas comment Ardyn pouvait gérer ces situations-là, il l’enviait et l’admirait énormément de ce fait. Sa tête se tourne sur le chemin, il plonge son regard dans les yeux magnifiques de l’anglais et s’y perd presque en entendant la question. Cette lèvre mordue, cette moue adorablement gênée, il déglutit difficilement en essayant de se détacher de la vision si parfaite qui s’offrait à lui. Le coréen acquiesce en souriant posément. « C’est légitime. Disons que nos parents sont décédés quand j’avais 15 ans, mon petit frère 12 et ma jeune sœur 10 ans. Nous avons été hébergé par une tante et ses enfants et pour être poli, nous ne nous entendions pas. Nous étions livrés à nous même en somme hors du logis et des repas, j’ai veillé à ce que mes cadets ne soient pas aussi irrespectueux et limités que nos cousins… » il marque une pause, massant sa nuque avant de reprendre, souriant toujours « En parallèle de mes études, j’ai effectué quelques tâches, des petits boulots qui m’ont permis à ma majorité d’obtenir un appartement pour nous trois. Puis la suite est simple, j’ai obtenu mon diplôme d’enseignant et la situation n’a pas tant changé que ça, hormis le fait que je suis un peu plus aidé et qu’ils sont autonomes pour une grande majorité de choses » Le chemin parcouru avait été sinueux, pourtant, il était si calme en comparaison de ces jours de deuils. Depuis longtemps maintenant il n’y avait plus pensé, se concentrant sur l’essentiel : eux trois. Sa vie se résumait assez bien sur le fait qu’il aimait apporter aux autres et qu’outre les cours, il y avait toujours une morale à en tirer, un enseignement plus riche que ce qui remplit une tête.  Il n’y avait pas eu de place pour une femme, pour un homme dans sa vie, il n’en avait eu ni le temps, ni l’envie ni l’intimité requise pour se permettre d’inviter qui que ce soit remplissant ces conditions. Sully se demandait d’ailleurs si ses cadets n’en souffraient pas aussi et si Ardyn était capable de le comprendre ? Il avait Rosa également, il supposait alors que oui. Rares étaient les personnes assez ouvertes de toute façon pour comprendre que ce n’était pas le genre qui importait, mais la personne en elle-même.

« Je m’estime heureux, sincèrement, pour une grande majorité des gens je suis un sain parce que j’ai fait ce qui me semblait juste et je trouve ça… injuste, parce que je ne suis pas le plus à plaindre. Je crois n’avoir jamais confié autant de choses sur ma personne qu’aujourd’hui » conclut-il en riant légèrement. « Satisfait ? » son petit sourire espiègle en disait long sur le soulagement que cela lui avait apporté. Bien sûr il ne cesserait jamais de souffrir de ce manque, d’avoir été trop tôt le parent à la fois docile et ferme, mais il ne regrettait pas un instant cette vie. « Et toi ? Il serait déplacé de te demander comment un professeur de lycée a réussi l’exploit de t’intéresser plutôt qu’un autre bien avant lui ? »  taquin, curieux lui aussi et surtout audacieux de sa part, petit professeur qui prend son courage à deux main, ne manquant pas de convictions et croquant la vie à pleine dent pour être certain de la vivre à fond.

Sully pouvait comprendre que vouloir le bien de ses proches devait parfois relever d’une autorité qui ne convenait pas à ces derniers, néanmoins imposer des choix qu’ils sont aptes à faire eux même était pour lui des plus étranges. L’échec est également une source d’apprentissage et pour lui il n’est jamais trop tard pour se relever de ces derniers puisqu’il est possible d’en tirer une expérience des plus bénéfiques. Le professeur acquiesce, s’il avait fait selon les choix de sa tante, sans doute serait-il encore chez eux ou peut-être mis à la porte avec ses cadets. Il ne regrettait pas ses choix jusque-là ni même celui d’interférer dans un conflit qui normalement ne le regardait pas. Il était éducateur, certes, mais il n’avait pas son mot à dire face à un père inquiet. Il se masse la nuque, se sentant coupable parfois, mais ne peut qu’approuver. « Oui, je ne peux malheureusement faire que ça, son père est assez têtu et j’ose espérer qu’il finira par comprendre, sinon je compte sur le caractère bien trempé de mon élève » dit-il en riant.

Ils marchent, doucement, sa main dans celle d’Ardyn, un frisson qui le parcourt, agréable et il prend le temps de de répondre et sent parfois la main de son aîné se resserrer sur la sienne. Il guette que la douce petite princesse ne soit pas concentrée sur eux, ne voulant pas lui causer de peine, car il ne doutait pas qu’avec son esprit d’enfant elle était en mesure de comprendre quand même. Il sourit malgré tout, observant Ardyn, essayant de le rassurer, tout ceci n’étant que passé. Il fut étonné malgré tout d’entendre être courageux, il n’avait fait que son devoir et trouvait cela honteux que ce ne soit pas naturel, bien sûr il savait qu’Ardyn en aurait fait de même, il avait pris soin de sa fille qui avait été visiblement sévèrement touchée par des évènements qu’il ne voulait pas entendre. S’il le fallait, s’il en ressentait l’envie, il écouterait avec la même attention reçue, mais en cas contraire, il se priverait de demander les détails sordides, se concentrant sur le sourire radieux de la demoiselle dans l’attente de voir l’enclos de ses animaux préférés. « Je pense que c’est normal d’agir ainsi, je n’ai aucun mérite, vraiment » il sourit, n’hésitant d’ailleurs pas à confier qu’avoir quelqu’un avec qui partager son passé n’était pas de refus et il le remercia sincèrement en riant quand Ardyn laisse entendre être doué pour mener les gens à se livrer à lui. Il n’en doutait pas une seconde et demeurait curieux à son tour de savoir comment il avait pu avoir cette chance de croiser un homme intelligent, altruiste et célibataire de surcroît avec en prime une ouverture d’esprit qui le rassurait. Le rouge ne lui échappa pas, lui aussi assez surpris par son courage, Sully sentit son cœur battre plus fort en espérant que cela ne s’entende pas, ce qui était impossible certes, mais qui devait se voir dans la panique qui se dégageait de lui. Il ne peut que sourire en entendant lui être tombé dessus, car effectivement, cette peluche licorne rose avait été le point de départ d’une relation bien plus profonde qu’il ne l’aurait souhaité. Il mordille l’intérieur de sa joue, se disant qu’au fond, ce qu’il venait d’apprendre était assez intime comme pensées et bien que ça ne lui déplaise pas, il était extrêmement timide à ces révélations. Il acquiesce ayant du mal à regarder Ardyn droit dans les yeux, mais se force à le faire malgré tout, non sans détourner parfois. « Touché, coulé, je suis moi aussi très heureux d’avoir négocier la peluche licorne. Je n’aurais jamais pensé trouvé plus qu’un ami de cette façon ni même être capable d’une… d’une alchimie pareille avec quiconque » ce qui voulait bien dire qu’ils s’étaient plus que de simples amis, plus que deux personnes qui s’appréciaient à son sens, mais il ne voulait pas le dire explicitement pour l’instant, de peur que les regards changent. Si ce n’était pas pour lui, c’était au moins pour Rosa qui devait avoir subi bien assez au courant de sa courte vie qu’il souhaitait longue.

Ils parviennent enfin à l’enclos, Rosa en extase devant qui essaye de les compter, de tous les repérer et d’énumérer surtout quelles sortes ils sont. Sully ne peut que sourire tendrement, se remémorant quelques souvenirs, c’était toujours agréable les sorties en famille et il se promit d’en faire d’autres pour resserrer les liens avec la sienne. Il ne doutait pas qu’ils soient soudés, néanmoins, de temps en temps s’offrir un petit weekend ensemble n’était pas de refus. Il en profiterait pour inviter Hae Yeon, après tout, il était lui aussi un membre de sa famille, en tout cas il le considérait tout comme et il était grand temps qu’il présente cet élève particulier aux siens, ce qui lui fait penser qu’il n’avait pas posé cette question pourtant évidente à Ardyn. « Je me demande, ça ne te manque pas tout de même l’Angleterre ? ça doit être dépaysant. Tu as de la famille par ici ? »